Pascal Bettex n’a pu se résigner à l’idée de voir la rame qui a déneigé les Rochers-de-Naye pendant un siècle partir à la casse. Elle ira se reposer à Saint-Triphon en attendant sa reconversion cinétique.
Publié aujourd’hui à 08h00

Le Montreusien Pascal Bettex n’a pas raté l’occasion de racheter une locomotive chasse-neige de 20 tonnes datant de 1919 que le MOB voulait mettre à la casse.
Chantal Dervey
Pascal Bettex n’aime pas qu’on jette. Surtout s’il s’agit d’un bijou de mécanique à l’ancienne. Alors quand l’artiste cinétique de Montreux a appris en octobre que la vénérable locomotive chasse-neige des Rochers-de-Naye allait partir à la casse, il n’a pas hésité une seconde à la racheter à la compagnie GoldenPass Services. Un véhicule de 20 tonnes datant de 1909!
Rien de surprenant quand on connaît cet admirateur de Tinguely réputé pour ses œuvres cinétiques aussi déjantées que populaires, à l’image d’«Allô Claude», la cabine téléphonique hommage à Claude Nobs située au bas de la place du Marché.
Bientôt parquée
Pour quelque 5000 francs, il a ainsi fait l’acquisition de ce modèle «HGe 2/2 2» qui a tracé la voie à travers la neige des Rochers-de-Naye durant plus d’un siècle. Il lui en coûtera la même somme pour parquer la machine à Saint-Triphon d’ici quelques semaines sur un terrain mis gracieusement à disposition par la société Orllati à côté de la carrière des Andonces. Pour éviter qu’elle ne s’enfonce, il y a déjà posé des rails.
«Il s’agit de préserver un patrimoine unique», a-t-il lancé ce jeudi en filmant la bête à sa sortie du garage en briques situé derrière la voie 8 de la gare de Montreux pour prendre la pose le temps d’une photo. Et un patrimoine qui a de la «gueule» qui plus est. Ses deux hublots rotatifs (pour éviter que la neige ne s’accumule) semblent un regard.
En poussant plus loin l’exercice d’anthropomorphisme, on peut voir un sourire ou une mâchoire puissante dans sa lame de 1954 («Perce-Neige» pour les intimes). Deux yeux au strabisme prononcé, peints affectueusement en 2015 à l’heure des derniers tours de roue de la loco, finissent d’humaniser ce vestige de la famille du «MOB».
Une survivante
Car depuis 1909, année de la construction de la locomotive par les sociétés Schweizerische Lokomotiv- und Maschinenfabrik et Maschinenfabrik Oerlikon, elle en a fendu des masses de neige au milieu des tempêtes et avalé des km sur les pentes montreusiennes. Elle a du reste failli voir sa carrière écourtée plus d’une fois…
«Quand tu vois le destin de ses frères et sœurs, tu te dis qu’elle est une survivante», lâche même Jérôme Gachet, porte-parole de GoldenPass Services. La locomotive faisait en effet partie d’une série de trois. L’une fut détruite par une avalanche en 1968 qui causa le décès de deux collaborateurs. Une autre fut détruite lors de l’accident survenu dans le tunnel des Fontaines aux Rochers-de-Naye en 2011 (deux blessés graves).
Jamais trop grand
Pascal Bettex n’en est pas à son coup d’essai avec les objets d’envergure. Dans son antre de l’usine de Taulan, en vieille ville de Montreux, des voitures anciennes le disputent à la cabine de pilotage de grue ou à une ancienne télécabine. Le domaine ferroviaire n’est pas davantage une nouveauté: le convoi des Transports publics du Chablais reconverti en sculpture cinétique en 2014 – le «Chablais Scope», visible au centre-ville d’Aigle - s’étale sur plus de 30 mètres.
Mais au fait, que compte-t-il faire de son chasse-neige? «Je ne sais pas encore exactement, mais j’ai depuis des années dans l’idée d’investir un jour une usine pour composer une œuvre monumentale. Il y trouverait certainement une place de choix.»