Histoire du cinémaÀ Lyon, un musée et un festival dédiés aux Lumière
La 15e édition du Festival Lumière s'est achevée dimanche et le musée de l'Institut, qu'on a visité en avant-première, rouvre ses portes jeudi 26.
Le zootrope revu par Emilie Tolot, l'un des clous de l'exposition.
Loïc Benoit.
Lyon, ville Lumière? Ceux qui n'en seraient pas encore convaincus n'ont qu'à aller y faire une petite visite. Alors que la 15e édition du Festival Lumière s'est achevée dimanche, avec cette année la remise du Prix Lumière à Wim Wenders, le musée de l'Institut a fait peau neuve et va rouvrir officiellement ses portes jeudi 26. On a pu le visiter en exclusivité il y a quelques jours, et il est magnifique. Son écrin est celui de la villa Lumière, là où vivaient les deux inventeurs de la projection cinématographique. Plusieurs salles se trouvent ainsi dévolues à leurs inventions, et à la richesse des pures expositions s'ajoute une dimension interactive qui ne devrait pas déplaire à un public moins coutumier de ces noms qui font rêver comme phénakistiscope, chronophotographe ou zootrope.
Les inventeurs du cinéma sont devenus riches grâce à la photo.
Loïc Benoit
Parlons justement du zootrope. À l’origine, ce jouet optique créé au XIXe siècle, bien avant l'arrivée des frères Lumière, donnait l'illusion de vues animées grâce à un cylindre tournant de plus en plus vite autour d'une frise de dessins. L'appareil a été entièrement reconçu (par l'artiste Emilie Tolot) avec des personnages sculptés et disposés sur un vaste plateau qui, lorsqu'il se met à tourner, donne l'illusion de voir toutes ces figurines bouger et interagir, mais en 3D. Il s'agit de l'un des clous de l'exposition. Plus solennellement, on découvre avec une certaine retenue et une pointe d'émotion l'appareil qui a servi à la première projection de films de l'histoire, au Grand Café (le 28 décembre 1895). Seulement une vingtaine de ces appareils ont dû survivre, nous apprend Fabrice Calzettoni, responsable de la médiation à l'Institut Lumière.
Le premier projecteur de l'histoire.
Loïc Benoit
Plus loin, on peut admirer un kinétoscope d'Edison de 1894, dont il n'existe plus que cinq ou six modèles dans le monde, deux caméras Gaumont à griffes qui ont servi à Feuillade pour tourner son «Fantômas», ainsi que la projection simultanée des 1425 films Lumière restaurés à ce jour. Oui, c'est possible, grâce à un procédé moderne qui consiste à pixelliser chaque film.
Et puis une pièce du musée rappelle aussi que les Lumière furent des photographes. Et que leur génie aura été de mettre la photo à la portée des amateurs. Ce qui d'ailleurs fit leur fortune. En dehors de la villa où ils vivaient – leurs chambres ont été recréées –, il y a un parc qui abrite ce qui fut l'usine Lumière à la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, un cinéma s'y loge, et chaque année, le cinéaste primé y filme sa propre «Sortie des usines Lumière». Wim Wenders s'est acquitté de l'exercice samedi matin, juste après l'inauguration de sa plaque à la rue du Premier-Film.
Toutes les cinéphilies
Mais le réalisateur allemand, ravi d'être à l'honneur dans ce Cannes du patrimoine – Thierry Frémaux le dirige d'ailleurs aussi –, s'y baladait depuis quelques jours. Et depuis le samedi 14, la manifestation a une fois de plus affiché complet, attirant un monde fou, jeunes comme moins jeunes. Il faut dire que le programme, d'un éclectisme ébouriffant, s'avérait susceptible de rassasier toutes les cinéphilies. Des rétrospectives dédiées à Robert Altman, à Denys de La Patellière, à Ana Mariscal (histoire permanente des femmes cinéastes), à Yasujiro Ozu, sans oublier Rintaro et Alain Tanner, des cinéconcerts avec des chefs-d’œuvre du muet ou des grands classiques du noir et blanc, plus une section redécouvertes. Sans compter les invités du festival, qui ont tous eu droit à un ou des hommages. Cette année, ont ainsi défilé Wes Anderson, Marisa Paredes, Alexander Payne, Karin Viard, Taylor Hackford, pour ne citer que les principaux. Le festival a aussi organisé des nuits «Star Wars» et Kenji Misumi, commémoré le centenaire Disney, rendu hommage à Jacques Rozier.
Marché DVD au top
Tout cela dans une ambiance festive et conviviale assurément très différente de l'hystérie qui peut par exemple régner sur la Croisette. En parallèle existe à Lyon un marché du film classique qui nous a véritablement rassurés sur l'avenir de l'édition DVD, plus florissante que ce que certains laissent entendre. À condition d'être soignée. Ce que plusieurs éditeurs font très bien. Exemple Carlotta Films, dont les coffrets collectors n'ont plus à être présentés (le 26e, dédié aux «Ailes du désir» de Wenders, a été dévoilé pendant le festival), mais aussi Le Chat qui fume ou Artus, qui débusquent perles et raretés avec une ferveur infatigable. Gérant d'Artus Films, Kévin Boissezon, croisé il y a quelques jours, nous confirmait la vitalité d'un marché certes de niche, mais dans lequel un film bis comme «Les tortionnaires du camp d'amour», tiré à environ 1000 exemplaires, s'écoule rapidement. Un exemple loin d'être isolé. En clair, on reviendra à Lyon.
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