Le «temps de cerveau disponible» est monté en grade. Son origine étymologique remonte toujours à 2004. Lorsque Patrick Le Lay, alors grand manitou de TF1, cherchait à capter celui des téléspectateurs pour le vendre aux annonceurs. Aujourd’hui, le sociologue Gérald Bronner inverse le processus. Dans ses nombreuses interviews pour promouvoir son livre «Apocalypse cognitive», il nous dit justement que le temps passé sur les écrans, surtout le temps inutile passé sur les écrans, réduit justement notre capacité de réflexion. «Le seul moyen de nous en prémunir est celui de bien utiliser notre temps de cerveau disponible, ce trésor le plus précieux de l’humanité», explique-t-il notamment dans les colonnes du «Temps».
Le reconfinement est aussi celui de nos boîtes crâniennes. Parce que oui, nous sommes sanitairement privés de leur oxygénation. De l’essentiel des liens sociaux, culturels, sportifs et désormais commerciaux qui permettent justement de sortir de la tentation de la face nocive des écrans: de se plonger dans le néant qu’ils peuvent offrir. Pour oublier le côté forcément anxiogène, puisque incertain - ce que certains psychologues nomment l’anxiété d’anticipation -, de l’actualité.
Mais de quoi vous parlait donc «24 heures» il y a pile poil un an pour nourrir vos lobes? D’une exposition sur les diamants au Louvre, de la fin de la saison des défilés à Milan, d’un festival de musique classique aux Diablerets, de Baden qui recevait le Prix Wakker de Patrimoine suisse un an avant Prangins, de comment la Suisse allait sortir du nucléaire, des JOJ et d’un juge vaudois qui évoquait l’état de nécessité pour les activistes du climat.
«Le reconfinement est aussi celui de nos boîtes crâniennes»
Et de quoi vous parlerait le même quotidien aujourd’hui sans la pandémie? De choses qui en enthousiasment certains tout en horripilant d’autres. Sûrement de cette neige qui boosterait la fréquentation des stations vaudoises. Du Lauberhorn. Probablement de la programmation des festivals hivernaux comme Antigel ou des Rencontres 7e art de Lausanne.
Ou encore des 56es Journées de Soleure où le dernier film du Vaudois Jean-Stéphane Bron sera en compétition. Heureux hasard, le documentaire s’appelle «Cinq nouvelles du cerveau». Cinq histoires de chercheurs en quête des bienfaits potentiels - ou pas - de l’intelligence artificielle. On verra tout ça sur son écran, bien sûr. Puisque l’écran ne rime pas forcément avec gnangnan. Le festival de celle qu’on surnomme la «ville des ambassadeurs» se décline en virtuel dans votre salon à un prix raisonnable (10 fr.) et en nombre limité (1000 places sur réservation). Ça fait réfléchir, non?
OpinionClaude Ansermoz
Publié aujourd’hui à 08h33