En janvier, les acteurs mondiaux de l’horlogerie se retrouvent en temps normal à Genève, dans les couloirs feutrés du Salon de la haute horlogerie. Rendez-vous professionnel incontournable de la branche, l’événement – rebaptisé en 2020 Watches & Wonders et qui devrait avoir lieu cette année en avril – permet aux marques de dévoiler leurs nouveautés aux revendeurs et médias du monde entier.
Le visiteur helvète qui se promène dans les stands du salon comprend très vite qu’il ne fait pas tout à fait partie du public cible auquel s’adressent les maisons. Pour plaire aux professionnels venus de marchés lointains, la suissitude des manufactures s’affiche avec force, quitte à nourrir quelques fantasmes. Un phénomène d’amplification qu’on retrouve également dans la façon dont le marketing horloger vend l’arc jurassien, pays de conte de fées peuplé d’horlogers discrets – suisses, en somme – qui œuvrent à la naissance des joyaux de l’industrie.
«La belle mécanique se grippe lorsque des marques, qui usent du «swiss made» pour se rendre désirables, ne cessent de raboter sur la composition helvétique de leurs pièces»
Qu’une entreprise cherche à séduire ses clients les plus importants – asiatiques, américains, brésiliens – en surlignant l’exotisme de ses origines synonymes d’excellence en matière de savoir-faire horloger est tout à fait compréhensible. Là où la belle mécanique se grippe, c’est lorsque des marques, qui usent du «swiss made» pour se rendre désirables, ne cessent de raboter sur la composition helvétique de leurs pièces et se détournent des sous-traitants locaux pour préférer travailler avec des concurrents asiatiques meilleur marché. Pour les maisons appartenant à des groupes cotés en Bourse, la rémunération des actionnaires l’emporterait sur les appels à l’aide de l’industrie suisse.
Si certains dirigeants de marques restent peu solidaires avec le tissu industriel local, ils devraient néanmoins prendre en compte les aspirations écologiques de leurs futurs et jeunes clients. Choisir ses sous-traitants dans un rayon de 50 kilomètres plutôt que 10’000 permettrait de réduire drastiquement l’empreinte carbone de certaines montres dont les composants, actuellement, se paient le luxe honteux de faire un aller-retour entre l’Empire du Milieu et la Suisse, leurs consommateurs finaux se trouvant bien souvent en Chine.
OpinionCatherine Cochard
Publié aujourd’hui à 06h32