La plus célèbre nouvelle de l’écrivain américain Hermann Melville, véritable ode à la désobéissance face au capitalisme, est revue dans une brillante BD.
Publié aujourd’hui à 10h22

Bartleby ne refuse jamais les tâches, mais il «préférerait ne pas le faire».
Éd. Dargaud
Si Hermann Melville est connu pour «Moby Dick», il l’est aussi pour une superbe nouvelle, «Bartleby le scribe». L’histoire d’un scribe de notaire à New York, précis et appliqué. Mais, au fur et à mesure de l’histoire, il refuse les tâches qu’on lui attribue d’un «je préférerais ne pas le faire». Formidable d’immobilisme, le jeune homme s’isole de plus en plus, comme un refus de ce nouveau monde qui annonce Wall Street et le capitalisme. Absurde jusqu’à l’extrême, Bartleby est aussi une ode à la décroissance.
Sombres décors
Le talentueux Munuera s’est emparé du texte pour en faire un récit sombre, dans une Grande Pomme qui grandit trop vite sous des lumières brumeuses, la pluie et la neige. L’étude du notaire participe de la même atmosphère avec ce patron trop gentil et les deux scribes qui copient, copient jusqu’à l’inutile. L’Espagnol brille dans ces personnages justement posés, ces portraits esquissés qui laissent deviner, ces moments d’humour qui éclairent l’ensemble. Mais surtout l’auteur de «Zorglub» ou des «Campbell» campe ce Bartleby mystérieux, mélancolique et, sans doute, désespéré. Pourquoi? On ne le saura jamais.

Sous-titré «Une histoire de Wall Street», Bartleby est «une fable prophétique sur un fiévreux colosse aux pieds d’argile nommé libéralisme», comme l’entend Philippe Delerm dans sa préface. C’est surtout une superbe histoire de la modernité. Munuera l’a bien compris.
«Bartleby le scribe», Jose Luis Munuera, Éd. Dargaud, 72 p.