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Table ronde sur le Grand Genève: La santé transfrontalière peine à trouver des solutions

Table ronde sur le Grand GenèveLa santé transfrontalière peine à trouver des solutions

Vendredi soir, une table ronde a attiré une centaine de personnes à la Roche-sur-Foron à l’occasion du Salon du frontalier. Pierre Maudet a notamment débattu avec des députés et sénateurs français.

La table ronde sur la santé transfrontalière organisée dans le cadre du Salon transfrontalier a réuni sept participants.

La table ronde sur la santé transfrontalière organisée dans le cadre du Salon transfrontalier a réuni sept participants.

NICOLAS DUPRAZ

Vendredi en fin de journée, Pierre Maudet avait fait le déplacement à la Roche- sur-Foron pour débattre de la problématique de la santé dans le Grand Genève. Une rencontre animée par la «Tribune de Genève», partenaire du Salon du frontalier organisé par le Groupement transfrontalier européen (GTE).

Devant un public réunissant une centaine de personnes, les responsables politiques et sanitaires de la région ont discuté de l’avenir de la collaboration franco-suisse sur cette question. Et de ses défis.

À titre préliminaire, tous tirent le même constat: la situation est préoccupante. En particulier du côté du Pays de Gex, devenu un désert médical. «Il n’y a pas de réelle politique de santé dans cette région», déplore Gérard Paoli, vice-président du Département de l’Ain. Il rappelle que le Pays de Gex compte 130'000 habitants et que 15% d’entre eux n’ont pas accès aux soins.

Absence de structure d'urgences

Il regrette également l’absence de structure d’aide d’urgence et la fermeture systématique de lits dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), faute de personnel. «On nous annonce 90'000 habitants de plus en 2050. Si nous n’agissons pas d’une manière immédiate, notamment via des accords entre les caisses maladie pour avoir davantage accès aux soins de l’autre côté de la frontière, la situation va être dramatique.»

Romain Henry, sous-directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie, note que si la situation est un peu moins grave du côté de la Haute-Savoie, «il existe une réelle inégalité de densité médicale au cœur même du département. Il faut s’atteler à réduire ces disparités.»

Il propose notamment de faire connaître davantage la possibilité de bénéficier de 50'000 euros d’aide à l’installation d’un cabinet médical et de travailler sur l'accessibilité de ces aides dans certaines régions.

Pierre Maudet souligne que les situations de ces deux départements doivent effectivement être traitées de manière différenciée. «Dans l’Ain, il y a une pénurie du personnel soignant globale qui est un peu accélérée par le pompage genevois qui concerne 10% du personnel soignant. En Haute-Savoie, le chiffre se monte à 40%.»

Disparités de revenus

Le canton a-t-il utilisé la solution de facilité en allant puiser son personnel en France voisine plutôt que de former en suffisance? «Oui très clairement, et ça l’est encore un peu, mais avec un consentement des deux côtés de la région», répond le magistrat genevois.

Il estime néanmoins «qu’il n’y a pas à s’excuser d’une réussite économique» et rappelle que si le manque de personnel soignant est généralisé dans toute l’Europe en raison, notamment, du départ à la retraite des baby-boomers, il est accentué dans la région en raison des disparités de revenus. «Les salaires sont trois à quatre fois plus élevés en Suisse. Il y a des réalités qui sont têtues, mais qui s’appliquent.»

Effet placebo

Quid de l’annonce faite jeudi à Saint-Julien-en-Genevois par le ministre français de la Fonction publique, Stanislas Guerini, confirmant la mise en place d’une indemnité de résidence de 850 euros par année pour les agents publics et le personnel soignant de la région? Ceci en raison du coût de la vie élevé en raison de la proximité de la Suisse. Est-elle susceptible de changer la donne?

Pour la députée de l’Ain Olga Givernet, membre de La République en marche!, ces aides vont dans la bonne direction et vont évoluer. «C’est une vraie reconnaissance et un premier pas. Il ne faut pas dénigrer cet effort qui n’avait pas été fait en cinquante ans.»

«Ces primes, je n’y crois pas une seconde. C’est du placebo», a rétorqué le conseiller d’État genevois. Idem pour les sanctions évoquées envers les infirmiers qui partiraient travailler en Suisse immédiatement après leur formation et qui pourraient être amenés à rembourser une partie des coûts de leurs études. «N’importe quelle clinique privée genevoise peut mettre une prime d’entrée cash sur la table équivalente pour attirer du personnel», souligne-t-il.

«Les difficultés ne sont pas insurmontables, mais solidement compliquées.»

«Les difficultés ne sont pas insurmontables, mais solidement compliquées.»

Si de réelles solutions pour pallier le manque de personnel soignant peinent à émerger, tous s’accordent pour dire qu’une collaboration est essentielle afin d’augmenter massivement les capacités de formation, notamment du côté genevois.

Trois conventions

En matière d’accès aux soins, Véronique Maye Voutat, responsable des affaires extérieures de l’Hôpital universitaire de Genève, a rappelé l’importance des trois conventions conclues entre les HUG et le CPAM. La première vise les urgences et prévoit que les patients de France voisine souffrant d’une urgence vitale et qui n’ont pas le temps de se rendre à Grenoble ou Lyon aient accès aux HUG. Les deux autres concernent l’accès au caisson hyperbare des HUG et la possibilité de bénéficier de soins de dialyse pour les habitants du Pays de Gex.

La responsable relève par ailleurs que deux autres conventions sont en négociation. Une concerne l’oncologie et vise à ce que tous les patients de la région aient accès aux essais cliniques menés à Lyon et à Genève. La seconde vise les maladies rares chez les enfants et adolescents. Elle devrait permettre à ces derniers d’être suivis à Genève afin d’éviter de louper des cours pour se rendre à Lyon ou à Grenoble.

Reste que, de manière générale, la question de l’accès aux soins demeurera complexe, selon Pierre Maudet. «J’ai des discussions avec l'Agence régionale de santé. On va explorer, mais il ne faut pas croire aux miracles […]. Sans impulsions politiques différentes et sans accords internationaux, ça va être très difficile de changer la donne, tellement les systèmes de financement diffèrent entre la France et la Suisse. Ces difficultés ne sont pas insurmontables, mais solidement compliquées.»

Décentraliser le pouvoir

Pour le sénateur de Haute-Savoie Loïc Hervé, les bonnes volontés politiques ne suffiront pas à améliorer la situation. «Nous ne pouvons plus continuer à avoir une gouvernance centralisée des questions d’emplois et de santé. Pierre Maudet dit qu’il préside l’entité interne au Comité régional franco-genevois sur le thème de la santé avec une directrice générale nommée au Conseil des ministres à Paris et qui a son siège à Lyon! Comment voulez-vous qu’on s’en sorte avec un pouvoir qui est trop loin de nos réalités? On devrait avoir une capacité d’expérimentation et de dérogation.»

Contrairement à son confrère, la députée Olga Givernet estime que les problématiques de la région sont entendues à Bercy. Elle confirme que la solution sera politique, mais également diplomatique et conclut en rappelant que «du côté français, nous avons la capacité de faire la réquisition du personnel de santé».

Caroline Zumbach est journaliste au sein de la rubrique locale de la Tribune de Genève. Elle a obtenu un Master en relations internationales.Plus d'infos

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