Santé et social à GenèveUn projet pilote pour faciliter la reconversion des travailleuses du sexe
Deux associations ont créé un programme certifiant dans la santé et le social. Sept prostituées l’ont suivi et la majorité ont obtenu un emploi.

Le projet vise à offrir une alternative aux travailleuses du sexe qui souhaitent arrêter leur activité professionnelle.
CHANTAL DERVEY
C’est un projet pilote «unique» en Suisse selon ses deux concepteurs, les associations genevoises SOS Femmes et OrTra santé-social, actives dans la réinsertion professionnelle pour divers publics. Soit une formation certifiante de dix-huit mois à l’attention des travailleuses du sexe qui souhaitent se réorienter et qui débouche sur une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) en aide en soins et accompagnement, a révélé la RTS. Sept travailleuses du sexe genevoises ont suivi la formation, cinq ont obtenu leur certification et quatre d’entre elles ont par la suite trouvé un emploi dans des EMS.
«Offrir une alternative»
À l’origine, l’idée de ce programme émane de Roxane Aubry, ancienne coordinatrice de SOS femme, explique Yanik Marguerat, chargé de communication d’OrTra. «Elle nous a contactés avec cette proposition et notre directrice, Dominique Roulin, a tout de suite été séduite car ce projet répond à plusieurs besoins: d’une part, il n’est pas aisé pour des travailleuses du sexe d’opérer une reconversion, bien que la prostitution soit un travail reconnu en Suisse, car il y a encore beaucoup de stigmatisations. D’autre part, les domaines de la santé et du social accusent des pénuries et des difficultés à recruter. Un tel programme fait donc sens.»
Il précise toutefois que «la volonté n’est aucunement moralisatrice, le projet ne vise pas à sortir les femmes de la prostitution à tout prix mais à offrir une alternative à celles qui veulent arrêter, en leur donnant l’occasion d’accéder à une formation certifiante puis un emploi».
«C’était un grand défi, beaucoup n’avaient pas les compétences linguistiques nécessaires.»
Yanik Marguerat, chargé de communication d’OrTra
La formation, créée sur-mesure, s’est déroulée sur dix-huit mois, sur le modèle de l’apprentissage en dual, avec des jours sur le terrain en stage – essentiellement en EMS –, et d’autres au centre de formation d’OrTra pour des enseignements plus théoriques ainsi que des cours de langue dispensés par l’UOG. «C’était un grand défi, beaucoup n’avaient pas les compétences linguistiques nécessaires», souligne Yanik Marguerat.
La voie de la reconversion n’est jamais aisée, ne serait-ce que financièrement. Difficile en effet de continuer à exercer une activité lucrative en parallèle. Certaines travailleuses du sexe ont pu bénéficier de bourses de la part d’une fondation genevoise, indique le chargé de communication, qui a d’ailleurs également financé la première partie du projet.
Expérience professionnelle reconnue
Autre difficulté: pour entrer dans une démarche de validation des acquis de l’expérience, il faut cinq ans d’expérience professionnelle, dont deux dans le domaine visé, relève Yanik Marguerat. «L’OrTra a reconnu leur parcours de vie, et le travail du sexe, comme une expérience professionnelle. Les travailleuses du sexe peuvent faire valoir diverses compétences: empathie, service à la personne, gestion des finances, entre autres.»
Après une première volée uniquement réservée aux travailleuses du sexe, ce programme a été élargi à d’autres publics en quête de reconversion et financé par le Canton. Une nouvelle volée spécifiquement réservée aux travailleuses du sexe pourrait être recréée en fonction de la demande.
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