Switzerland
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Le conseil: Quand le Crédit Suisse se vend à crédit…

Le conseilQuand le Crédit Suisse se vend à crédit…

 

Pascal Rytz - Avocat

Publié aujourd’hui à 08h37

Je n’arrive pas à comprendre comment Credit Suisse a pu être repris par UBS avec la bénédiction du Conseil fédéral en si peu de temps et sans aucune consultation des actionnaires, sans même passer par une nationalisation de cette banque. Le gouvernement peut-il vraiment faire comme bon lui semble lorsque les affaires d’une société vont mal?

T., Lausanne

Vos interrogations sont bien légitimes, puisque la reprise en mains de Credit Suisse entre la fin de la semaine dernière et le début de celle qui s’achève n’a été possible que grâce à certaines innovations législatives, lesquelles ont été décidées et formalisées très rapidement par voie d’ordonnance du Conseil fédéral; elles sont passées relativement inaperçues, sauf pour les spécialistes du domaine du droit bancaire…

Comme vous l’avez bien compris, en droit suisse de la société anonyme, l’assemblée générale des actionnaires est en principe le «pouvoir suprême» de la société, ce que rappelle l’art. 698 du Code des obligations. Lorsque deux entreprises entendent fusionner, le contrat de fusion doit normalement être conclu en la forme écrite par leurs organes supérieurs de direction ou d’administration: pour les sociétés anonymes, ce contrat doit également être approuvé par les assemblées générales des actionnaires.

En l’occurrence, la situation de Credit Suisse diffère de celle d’une «simple» société anonyme, puisque cet établissement est une banque surveillée par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et qu’il fait de surcroît partie des banques actives sur le plan international considérées comme étant d’importance systémique au sens de la loi sur les banques. Il est donc considéré que leur défaillance porterait gravement atteinte à l’économie et au système financier suisses. Pour cette raison, on dit que de telles banques sont «too big to fail».

Le Conseil fédéral a agi en se fondant sur les articles 184 et 185 de la Constitution suisse concernant la sauvegarde des intérêts du pays ainsi que la sécurité intérieure et extérieure du pays, dispositions qui l’autorisent à adopter des ordonnances et à prendre les «décisions nécessaires». En se basant sur la norme fondamentale du pays – la Constitution étant hiérarchiquement au-dessus des lois – ainsi que sur les législations sur les banques et les fusions, notre gouvernement a adopté en urgence une ordonnance du 16 mars 2023 sur les prêts et garanties qui peuvent être accordés par la Confédération et la Banque nationale suisse à des banques d’importance systémique.

Le 19 mars, cette ordonnance a déjà été modifiée par le Conseil fédéral et un article 10a a été introduit qui permet, pour les banques d’importance systémique, l’exécution de transactions relevant de la loi sur les fusions sans consultation ni décision de la part des assemblées générales des sociétés concernées, à condition que ces transactions s’effectuent avec l’accord de la FINMA.

Voilà comment, en un temps record, les règles en vigueur ont été adaptées pour permettre cette fusion, sans que les actionnaires des deux plus grandes banques suisses ni le peuple n’aient quoi que ce soit à dire dans ce rocambolesque « sauvetage » qui n’en est soi-disant pas un, mais peut-être que la saga n’en restera pas là…

Voir les chroniques précédentes sur espace.legal

Vous avez trouvé une erreur? Merci de nous la signaler.