Switzerland
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Éditorial: Credit Suisse, «God bless the fric»

ÉditorialCredit Suisse, «God bless the fric»

     

C’est un peu toujours la même chanson. Quand un géant de l’économie suisse se viande, on s’étouffe de voir ce que les dirigeants de ladite entreprise ont touché comme salaires, bonus et autres parachutes indécents. Même pendant les années où leur société patinait. Et pourtant, dans le sillage de la faillite de Swissair – «too small not to fail» –, Thomas Minder, alors conseiller national, avait lancé son initiative «contre les rémunérations abusives», largement acceptée par le peuple il y a dix ans.

À l’heure où Credit Suisse se fait avaler par l’Union de Banques Suisses, il est déroutant de constater que cet article 95, alinéa 3 révisé de la Constitution fédérale ne sert visiblement pas à grand-chose. Les conseils d’administration et autres comités de direction ont depuis longtemps trouvé la parade à une ordonnance d’application trop vague. On n’a d’ailleurs pas le souvenir que les conséquences potentielles inscrites dans la loi – 3 ans de prison au plus et une amende pouvant atteindre six rémunérations annuelles – aient été une seule fois mises en pratique.

En fait, le citoyen lambda a la désagréable impression que rien ne vient jamais contrecarrer la bonne santé des rémunérations de certains grands dirigeants emblématiques. Même pendant la pandémie – alors que nombre de PME tiraient la langue – le «top management» des sociétés cotées à la Bourse suisse a vu ses revenus augmenter puisque, pour certaines, les affaires étaient encore plus belles.

Selon les données de l’Office fédéral de la statistique, les 10% des salaires les moins élevés n’ont augmenté que de 0,5% entre 2016 et 2020, tandis que les 10% les plus élevés progressaient de 4%. En 2021, alors CEO de Roche, Severin Schwan, qui siégeait d’ailleurs au conseil d’administration de Credit Suisse, gagnait 307 fois plus que le collaborateur au plus bas salaire. On notera aussi, et c’est piquant, que la Banque Cantonale de Zurich, contrôlée par le Grand Conseil, verse un pourcentage de bonus supérieur (15%) à celui de Schweizerische Kreditanstalt (10%) en Suisse!

Il est vain de croire que l’on décrochera une majorité pour limiter ces écarts tellement la culture travail et sa valorisation font partie de nos gènes en Suisse. Une «valeur» qui a aussi permis à notre pays de sortir de la pauvreté. Mais ce capitalisme qui fait la part belle à la responsabilité individuelle aurait tout à gagner à ce que certains dirigeants ne touchent pas de récompenses quand ils font mal leur job. Aucun bonus substantiel ne devrait être versé en cas de perte et le versement devrait être différé dans le temps pour s’assurer que les bénéfices soient durables. Les États-Unis viennent de prévoir une clause de remboursement des sommes touchées indûment. God bless America.

Vous avez trouvé une erreur? Merci de nous la signaler.