Innovation économique – Qui sera la perle des start-up lausannoises?
Cinq jeunes entreprises sont en lice pour gagner leurs lettres de noblesse régionale. Verdict du jury ce mercredi soir.
L’an dernier, le syndic de Lausanne et président du jury, Grégoire Junod, remettait le Trophée PERL 2021 à Ulrike Kettenberger, cofondatrice et directrice générale de Flowbone.
ARC/Jean-Bernard Sieber
Dans le monde des start-up, ce ne sont pas les prix qui manquent. Bien des occasions ont lieu de couronner une innovation, une entreprise particulièrement méritante. Mais, dans la région lausannoise, le concours PERL (Prix Entreprendre Lausanne Région) offre une belle visibilité à ses lauréats. Mercredi soir, on connaîtra les noms des sociétés primées alors que la distinction sera attribuée pour la 20e fois.
Cette année, le jury a retenu cinq entreprises parmi quelque 45 dossiers de candidature. Présidé par le syndic de Lausanne, Grégoire Junod, le jury de spécialistes de différents domaines a notamment jugé du caractère novateur et du potentiel économique des candidats.
Novateurs et variés
La vitrine offerte par les cinq lauréats 2022 se distingue par sa variété. Recyclage des plastiques de bateaux voués à la déchetterie, extraction de la chaleur des murs souterrains, production de plaquettes sanguines pour les transfusions, maillots de bain tirés des filets de pêche dérivant dans les océans et serres de cultures améliorées au solaire… Chacune de ces innovations, à sa mesure, promet de changer un peu le monde en apportant une solution novatrice.
La start-up gagnante du trophée touchera un chèque de 50’000 francs. Les quatre autres lauréates sont d’ores et déjà certaines de toucher un montant de 10’000 francs, qui pourrait doubler pour l’une d’elles grâce à la participation du public de la soirée de gala, ainsi qu’au travers des réseaux sociaux. Pour certaines de ces sociétés, les montants en jeu promettent un joli coup de pouce financier. Pour d’autres, dont la technologie nécessite des budgets largement supérieurs, le chèque aura une valeur presque symbolique. Mais pour toutes, la reconnaissance qu’apporte cette distinction soutiendra le lancement de leur projet. Partenaire de la manifestation, «24 heures» vous les présente ici.
Les vidéos de présentation des cinq lauréats: www.prixentreprendre.ch/category/les-nomines/
Composite Recycling
Le projet de Composite Recycling consiste à récupérer les fibres contenues dans les coques de bateaux voués à la déchetterie, au moyen de mini-usines mobiles.
Composite Recycling
Fondation L’entreprise basée à Écublens a été créée il y a moins d’un an par Guillaume Perben, qui la dirige.
Activité Le projet promet de récupérer la fibre de verre contenue dans les plastiques des bateaux arrivés en fin de vie. Massivement utilisés depuis une cinquantaine d’années dans la construction navale, ces matériaux composites finissent généralement à la décharge ou incinérés. Le procédé mis au point par Composite Recycling propose de récupérer les fibres pour les réutiliser dans de nouveaux matériaux de construction.
Innovation La nouveauté qu’apporte le procédé breveté consiste à récupérer les fibres de verre dans toute leur longueur. «D’autres passent par la pyrolyse afin de générer des plastiques pour un usage général», compare Guillaume Perben. Une solution qui nécessite le broyage des matériaux. Or, la piste étudiée par Composite Recycling est spécifique au monde naval. Elle passe par un four où les matériaux restent entiers et statiques. Chauffée, la résine dégage du méthane qui alimente à son tour la chaleur du four. Cette particularité a permis d’imaginer une solution mobile, chargée sur un camion, qui peut se déplacer en fonction des besoins.
Objectifs Une première usine de traitement va être intégrée dans un conteneur, qui devrait prendre la route l’an prochain. Pour son fondateur, le moment est idéal pour se lancer: les plus anciens bateaux en fibre de verre arrivant en bout de course.
Emploi Quatre employés développent actuellement le concept. Mais l’entreprise pourrait rapidement monter à 25 collaborateurs. En comptant deux employés par conteneur, Guillaume Perben estime qu’il faudra une douzaine de ces micro-usines rien que pour la France, où les démarches sont déjà avancées.
Finances Déjà lauréate de différents prix, l’entreprise est pour l’heure autofinancée avec un soutien cantonal et fédéral. Une première levée de fonds de 1,3 million est en cours.
Enerdrape
Les panneaux d’Enerdrape sont conçus pour absorber l’énergie thermique des murs des sous-sols.
Lausanne Région
Fondation L’entreprise basée à Écublens a été cofondée l’an dernier par Margaux Peltier, qui la dirige.
Activité Alors qu’un tiers des émissions de CO₂ provient du chauffage au moyen de combustibles fossiles, Enerdrape propose de tirer parti des infrastructures souterraines comme source de chaleur renouvelable. Les parkings peuvent ainsi être équipés de panneaux prélevant la chaleur naturellement présente dans les murs, selon le même principe que la géothermie, complémentaires d’un système de chauffage.
Innovation «Cette solution n’est pas rentable pour une maison individuelle», prévient Margaux Peltier. En revanche, pour un immeuble locatif ou des surfaces commerciales, offrant de larges surfaces en sous-sol, les panneaux brevetés d’Enerdrape peuvent faire sens. D’installation relativement aisée, ces panneaux vont puiser l’énergie thermique dans les murs. «Cela permettrait de servir d’appoint au chauffage en couvrant entre 30% et 60% des besoins», calcule la directrice. Autre avantage de ces panneaux, ils peuvent être décorés. Selon les premiers retours, ils offriraient également un intérêt marketing en servant de supports publicitaires.
Objectifs Après avoir équipé un parking privé à Lausanne, la société prépare cette année une première installation à grande échelle d’une centaine de panneaux. En transition entre l’EPFL et la commercialisation, l’entreprise va devoir se concentrer sur les certifications nécessaires à la diffusion de cette technologie, qui pourrait intervenir l’an prochain. Dans une seconde phase, elle pourrait s’adresser aux collectivités publiques pour compléter des systèmes de chauffage à distance.
Emploi Enerdrape occupe actuellement trois personnes. Ce nombre doit doubler cette année encore.
Finances La société a lancé une levée de fonds de 2 millions de francs. Jusque-là, elle a tourné grâce à une première levée de fonds pour la recherche et des prêts divers.
HemostOD
HemostOD propose une solution permettant de produire des plaquettes sanguines à base de cellules souches génétiquement modifiées.
Lausanne Région
Fondation L’histoire d’HemostOD est originale car elle n’a pas commencé avec son fondateur, Faouzi Khechana. Celui-ci a racheté un projet vieux de dix ans en France, qui n’a jamais réussi à émerger faute de moyens financiers. «Je l’ai ramené en Suisse, où l’écosystème est bien plus favorable, explique celui qui dirige l’entreprise. Depuis un an, on fait des bonds de géant par rapport à ce qui s’est fait auparavant.»
Activité A l’échelle européenne, les banques de sang ne parviennent pas à répondre à toutes les demandes de transfusion de plaquettes. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans la coagulation et sont notamment nécessaires lors de transfusions sanguines dans le traitement du cancer du sang ou lors de chirurgies lourdes. HemostOD propose une solution permettant de produire ces plaquettes à base de cellules souches génétiquement modifiées afin de faciliter l’accès aux transfusions.
Innovation L’entreprise est la première à avoir breveté la fabrication de plaquettes au moyen d’un bioréacteur qui reproduit le flux sanguin. Sa particularité réside dans la large échelle de production que permet son procédé. «Cela permettra de répondre aux besoins mondiaux», souligne Faouzi Khechana.
Objectifs La société se dirige vers des tests précliniques qui valideront le procédé. Les premiers tests sur les humains pourraient intervenir en 2024, avant une mise sur le marché en 2026.
Emploi L’équipe actuelle est composée d’une dizaine de salariés.
Finances Après une première levée de fonds l’an dernier, HemostOD en a lancé une seconde afin de réunir 12 millions de francs pour poursuivre son développement.
Shark Rebellion
Les maillots de Shark Rebellion sont tissés d’un fil récupéré sur les filets de pêche industrielle dérivant en mer.
Lausanne Région
Fondation Hoàn Nguyen-Xuan a fondé sa société l’an dernier après avoir développé son projet avec des nageurs de la région.
Activité La marque lausannoise ambitionne de devenir la troisième marque de maillots de natation en Suisse, derrière le géant Speedo. Pour ce faire, Hoàn Nguyen-Xuan a développé des maillots aussi résistants que confortables. «À la fois extensibles et compressibles, ces maillots sont fins et solides et agissent comme une seconde peau», explique le fondateur de la marque.
Innovation La spécificité du produit réside dans son matériau de fabrication. Au contraire du polyester habituellement utilisé, les maillots de Shark Rebellion sont faits de nylon. Et pas n’importe lequel puisqu’ils sont tissés d’un fil récupéré sur les filets de pêche industrielle dérivant en mer. Ces déchets sont tenaces puisque l’on dit qu’il faut 600 ans pour qu’ils se dégradent. En participant au recyclage du plastique des océans, l’entreprise veut ainsi démontrer qu’elle peut allier performance et écologie.
Objectifs Un premier cycle de 600 commandes a été réalisé avec des clubs de natation. Désormais structurée, la start-up est prête à grandir dans un marché où la natation constitue le troisième sport pratiqué par les Suisses. «Notre développement va dépendre de notre capacité à nous faire connaître», dit Hoàn Nguyen-Xuan. Un nageur a déjà exhibé cette marque lors des derniers Jeux olympiques de Tokyo.
Emploi Une cinquième personne devrait rejoindre prochainement l’équipe de départ pour renforcer son marketing.
Finances Shark Rebellion est le fruit de la reconversion professionnelle de son fondateur. Le développement s’est fait sur ses économies et une campagne de crowdfunding de 40’000 francs. Un partenariat a été signé avec un club de natation et l’accueil fait à ses produits encourage le jeune entrepreneur.
Voltiris
Le projet de Voltiris consiste à transformer les serres en centrales solaires sans faire de l’ombre aux cultures.
Lausanne Région
Fondation Voltiris est l’histoire de la reconversion professionnelle de Jonas Roch. Elle a été fondée progressivement à Lausanne depuis 2019, pour naître officiellement en février dernier.
Activité La jeune société veut permettre à l’industrie maraîchère de maximiser l’usage des serres de cultures en les transformant en centrales électriques solaires. Cette double occupation du territoire promet d’améliorer la viabilité et la durabilité des exploitations.
Innovation Poser des panneaux solaires au-dessus des cultures, cela existe. Mais cela fait de l’ombre aux plantes. Les modules solaires brevetés par Voltiris produisent de l’électricité tout en laissant passer le rayonnement utile à la croissance des plantes, grâce à des filtres.
Objectifs Cette année est celle de la validation technique et commerciale, avec la réalisation d’un projet pilote. La commercialisation de cette solution pourrait intervenir vers la fin 2023.
Emploi Occupant trois personnes à plein temps, l’entreprise devrait engager de nouvelles forces afin de développer la phase commerciale et industrielle.
Finances Les recherches entamées au moyen des économies de Jonas Roch ont permis de remporter plusieurs prix et 400’000 francs d’aides. Voltiris vient de lancer une levée de fonds de 900’000 francs pour financer les premiers modules pilotes.
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