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Tout va bien: À la mère porteuse

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Tout va bienÀ la mère porteuse

OpinionAnna Lietti

Publié aujourd’hui à 08h17

Ceux qui l’ignoraient encore l’ont découvert à l’occasion de la nouvelle guerre en Europe: depuis quelques années, l’Ukraine s’est imposée comme la fournisseuse numéro 1 en mères porteuses pour les couples suisses, français ou anglais cherchant à contourner la loi de leur pays et obtenir un enfant à tout prix (40 à 60’000 euros). L’invasion russe est venue perturber ce commerce en plein essor. Plusieurs dizaines d’enfants sont nés sans avoir pu être livrés, plusieurs centaines de gestatrices s’apprêtent à accoucher dans l’incertitude. Les «bébés de la GPA» sont suspendus entre ici et là-bas.

Les médias se font l’écho de cet épiphénomène insolite. En mode héroïque le plus souvent. On a vu les berceaux alignés dans le sous-sol d’un immeuble de Kiev, gardés par des nurses épuisées mais résolues: «Nous ne les abandonnerons pas.» On a suivi les aventures palpitantes du médecin-chef de la principale agence de GPA ukrainienne transformé en agent d’exfiltration: «Je prends une arme. Je prends le bébé dans les bras. On part en convoi dans une voiture. On rencontre les parents…» Les parents commanditaires, on les a vus aussi, bien sûr. Surtout ceux qui, bravant le danger, ont traversé la frontière pour sauver leur bébé des bombes et de la faim. Courage et amour!

Et les mères porteuses? Celles qui ont pris le plus de risques, celles qui restent sous les bombes? Quels dangers, quelles angoisses ont-elles traversées pour honorer leur étrange contrat? Celles qui ont perdu leur bébé ont-elles été indemnisées? On n’en saura rien. On cherche en vain une info, une allusion, un mot d’empathie. Il n’est simplement jamais question d’elles. Elles sont effacées de la photo.

«Le nouveau prolétariat reproductif mondial vend son corps à l’ombre d’un déni généralisé.»

Qui veut parler des mères porteuses? Qui s’intéresse à leurs conditions de «travail»? Aux dangers sanitaires qu’elles affrontent, notamment en subissant des grossesses multiples qui rentabilisent l’investissement? Au fait qu’elles ne sont véritablement payées que pour une grossesse menée à terme, quand un tiers seulement des candidates accouchent d’un bébé, mais toutes subissent un an de pénibles traitements? Au désarroi de leurs enfants de sang quand ils voient leur mère abandonner le nouveau-né après l’accouchement?

Personne. Le nouveau prolétariat reproductif mondial vend son corps à l’ombre d’un déni généralisé. Le syndicat international des mères porteuses n’est pas près de voir le jour.

Je dépose ici une gerbe en hommage à la soldate à jamais inconnue, à l’innommable victime collatérale de la guerre en Ukraine. Et de bien d’autres guerres.

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