En principe, le verdict de la 32e Chambre correctionnelle condamnant sévèrement l’ancien président Nicolas Sarkozy devrait rassurer sur l’indépendance de la justice française. Voilà un puissant qui a comparu devant ses juges comme n’importe quel justiciable, et qui a été condamné après les débats contradictoires d’une justice exemplaire.
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Pourtant, pour avoir suivi ces débats, il est difficile de se départir d’une impression de malaise. La présidente du tribunal l’a reconnu: elle condamne non pas sur la base de preuves formelles, mais sur celle d’un faisceau d’indices. Elle reconnaît également que, dans ce pacte de corruption, aucun des corrupteurs n’a obtenu le moindre avantage. Elle admet enfin que les seules preuves sur lesquelles elle se base (le fameux faisceau d’indices) découlent d’écoutes téléphoniques en principe illégales qu’on ne peut retenir que parce qu’elles sont la preuve d’un acte délictueux… Vous avez de la peine à comprendre? Moi également.
Nicolas Sarkozy n’en a pas fini avec la justice. Dans deux semaines, il comparaîtra de nouveau pour une affaire de financement de campagne électorale et il est inculpé dans une autre affaire de financement, libyen celui-là, qui peut-être un jour finira devant un tribunal. Fait-il l’objet, comme il le soutient, d’un acharnement particulier de la part du Parquet national financier? Je l’ignore. Mais j’espère que, lorsque l’affaire de corruption sera jugée de nouveau, en Cour d’appel, les arguments des juges, qu’ils condamnent ou relaxent, seront plus convaincants qu’aujourd’hui.
La sentence du tribunal laisse ouverte une question embarrassante: un autre accusé, anonyme, aurait-il été poursuivi – et condamné – aussi sévèrement?
OpinionAlain Rebetez, Paris
Publié aujourd’hui à 20h08