Les Lausannois Bastien Genoux et Nicole Seiler retracent la vie de Beatrice Cordua, alias Trixie, dans un docu sélectionné aux Journées de Soleure. À voir en streaming.
Publié aujourd’hui à 16h16

Beatrice Cordua, alias Trixie, dans le documentaire que lui consacrent Bastien Genoux et Nicole Seiler.
Bastien Genoux
Le corps, ses défauts, ses vertus, la vitalité qu’il exhale. Le corps qui se meut, virevolte avec légèreté, puis se voûte, vieillit. Beatrice Cordua, alias Trixie, danseuse et chorégraphe allemande, a fait de son corps un double. «Nous étions des âmes sœurs.» Le Lausannois Bastien Genoux brosse son portrait dans «Trixie», documentaire coécrit avec la chorégraphe également lausannoise Nicole Seiler, sélectionné aux 52es Journées de Soleure. Touchant, coloré, rythmé comme un ballet avec ses acmés et ses instants suspendus, le film de 80 minutes est disponible en streaming jusqu’à vendredi sur le site du festival.

Trixie a fait de son corps son «âme sœur».
Bastien Genoux
Beatrice Cordua est une figure aussi marquante qu’atypique de la danse. Née à Hambourg en 1941, formée au Royal Ballet School à Londres, Trixie, éprise de liberté, a vécu une vie – ou plutôt mille – parsemée de gloire, d’échecs, de pas de côté. Tantôt rieuse, tantôt rêveuse, elle raconte ses rencontres avec les plus grands, Pina Bausch, Maurice Béjart, John Neumeier. Son quotidien aux côtés de l’amour de sa vie, le photographe Ludwig Schönherr, pas toujours fidèle. Elle se remémore ses rôles, mythiques, par la voix et par le geste. Elle esquisse un pas, reproduit un enchaînement, même si son parkinson limite ses mouvements. Elle trébuche et se relève. «Je vis encore. […] Mon corps est encore là, à moi, avec la tristesse et la vulnérabilité qu’il révèle.»
«Vieillesse absurde»
Tout le propos est là. Le rapport au corps, qui décline, se flétrit au fil des ans. À la vieillesse, qu’elle envisage comme une étape de la vie plutôt qu’une fatalité. Pudiquement, Trixie dévoile une cicatrice sur son épaule, en consultation chez son ostéopathe captée par la caméra de Bastien Genoux. Puis, déambulant dans un couloir ou sur le bitume, elle décrypte, décompose, recompose le mouvement. Inlassablement. «Pour moi, tout ce qui bouge, c’est de la danse.»
«Mon corps est encore là, à moi, avec la tristesse et la vulnérabilité qu’il révèle.»
Tout en nuances, le film oscille entre bribes de quotidien saisies au vol, archives déroulant des années d’effervescence créatrice, et des fragments du spectacle «The Wanderers Peace», pièce documentaire créée par Nicole Seiler en 2015. Sur scène, Trixie se confie, revit ses rôles. Vit, tout simplement. «On dit que les vieux sont fragiles et calmes, mais je suis bruyante et absurde!» Elle sourit, mais n’élude pas la réalité. «La vieillesse est absurde. Ça me fait rire et pleurer. Car c’est dur, mais ça m’appartient.»
«Trixie»De Bastien GenouxEn streaming jusqu’à vendrediwww.solothurnerfilmtage.ch