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La chronique économique: Credit Suisse: de quelle aide parle-t-on?

La chronique économiqueCredit Suisse: de quelle aide parle-t-on?

Il y a une grande confusion sur la nature du sauvetage par l’État d’une banque. Cela mérite quelques explications.

La faillite de CS a été évitée. Mais la banque fondée il y a 167 ans par le génial Alfred Escher, à l’origine du percement du tunnel ferroviaire du Gothard, de l’École polytechnique de Zurich et de bien d’autres institutions prestigieuses, ne peut plus vivre seule. La Banque nationale suisse (BNS) lui a fourni un filet de sécurité pour traverser un ravin dangereux mais ni elle ni la Confédération ne peuvent lui garantir l’essentiel, son avenir. 

Le sauvetage – en cours au moment où ces lignes sont écrites – d’une banque systémique ne vise pas à éviter la banqueroute de l’institution financière mais à organiser un rachat ou une liquidation provoquant le moins de dégâts collatéraux possibles. En faisant en sorte que tous les partenaires de la banque (prêteurs, déposants, clients, etc.) puissent poursuivre leurs activités.

Les victimes? Les salariés et les actionnaires qui perdent tout (sauf si la banque est rachetée) et tous ceux qui lui ont prêté des fonds sans de bonnes garanties. Le mécanisme peut se comparer à des murs et cloisons étanches que l’on place pour éviter que l’incendie ne se propage. L’État, en l’occurrence la FINMA (l’autorité de régulation), et la BNS préservent la stabilité financière, le système de paiement ainsi que les dépôts d’argent liquide à hauteur de 100’000 francs par client. Au besoin, les banques centrales coopèrent pour démêler les liens interbancaires problématiques et calmer la panique des marchés.

«En clair, la loi ne sauve pas la banque mais les services indispensables liés au commerce de l’argent.»

Le soutien de l’État n’est pas inconditionnel; le sauvetage d’UBS a rapporté un gain de 5 milliards à la Confédération, sans compter les bénéfices liés à la préservation de l’emploi et des relations d’affaires pour les PME. Les banques ne sont pas les seules à bénéficier du parapluie «Too big to fail» (trop grand pour faire faillite). Avec la crise énergétique liée à l’Ukraine, le parlement a bricolé une loi permettant de soulager les compagnies d’électricité en leur fournissant des liquidités afin d’éviter un krach aux conséquences dramatiques, alors même que les actionnaires sont les Villes et Cantons suisses! En clair, la loi ne sauve pas la banque mais les services indispensables liés au commerce de l’argent. 

Reste la question des responsabilités. À l’évidence, les organes de Credit Suisse n’ont pas été à la hauteur depuis plusieurs années. Les plans de restructuration sont intervenus trop tardivement; les contrôles du risque ont été désastreux. C’est un énorme gâchis. La FINMA porte une très lourde responsabilité. Si l’on peut concevoir qu’une banque fasse parfois de mauvaises affaires ou se trompe dans ses paris, une telle répétition de défaillances est inexcusable. La FINMA, peu douée pour la communication, n’a jamais gagné le prestige auquel elle devrait prétendre. Le lobby bancaire, relayé par les pressions de parlementaires complaisants, a toujours défendu l’idée que l’autorégulation est préférable à la menace du gendarme.

Dans un monde aussi complexe et impitoyable que la finance, cette posture est une erreur: l’autorégulation doit aller de pair avec une surveillance indépendante et forte. Sans vouloir nationaliser les banques de dépôts (qui peuvent faillir, comme l’ont montré les banques cantonales vaudoise, genevoise, bernoise et soleuroise…), les actifs risqués et souvent illiquides doivent être mieux isolés des passifs, soit des dépôts des clients qui sont considérés comme sûrs et exigibles en tout temps.

Enfin, il faudra durcir les conditions dans lesquelles les bonus peuvent être réalisés ou restitués quand une banque accumule les pertes. Urs Rohner aura besoin de tous ses avocats ces prochains jours; l’ex-président d’une banque qui a enregistré des pertes six années sur dix et touché une rémunération frisant les 50 millions de francs!

Pierre Veya est chef de la rubrique économie auprès de 24 Heures, de la Tribune de Genève et du Matin Dimanche. Auparavant, il a été rédacteur en chef du journal Le Temps, de l'Agefi et chef de la rubrique économique à L'Hebdo. Ses domaines de compétences sont la finance, l'économie, les hautes-technologies, l'environnement, le climat et la politique agricole. Plus d'infos@pierre_veya

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