Il y a le fédéralisme institutionnel, défini par l’article 3 de la Constitution suisse: «Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.» Juridique, précis, identique pour tous les cantons, ce fédéralisme est la colonne vertébrale de la Suisse.
Il y a aussi le fédéralisme utilitaire. Beaucoup de Suisses n’ont pas envie de se casser la tête avec des considérations institutionnelles abstraites. Ils se contentent d’un fédéralisme pratique, qui veut que les problèmes se règlent là où ils se posent: pas besoin de grandes lois pour traiter de petites affaires! Ce fédéralisme du quotidien se fonde plutôt sur la proximité et les pouvoirs locaux que sur l’idée – qui ne parle guère au cœur – d’une alliance politique perpétuelle entre des États souverains.
«Le conseiller fédéral Alain Berset a défendu une approche fédéraliste de la pandémie.»
Ordinairement, ces deux approches du fédéralisme se confortent l’une l’autre. L’esprit systématique de la première rationalise le sentiment d’appartenance communale et l’étend au niveau de l’État cantonal. Le bon sens de la seconde freine l’impérialisme obstiné de l’Administration fédérale. Mais il arrive qu’elles s’opposent, notamment quand l’utilité immédiate et le désir de simplicité semblent justifier l’une ou l’autre centralisation et font oublier qu’un texte simple et clair sur le papier ne l’est pas forcément quand on l’applique à des cantons différents.
Tout au long de cette dernière année, le conseiller fédéral Alain Berset a défendu une approche fédéraliste de la pandémie, invoquant tantôt le droit constitutionnel, tantôt l’efficacité de la différenciation. Pour lui, le fédéralisme est un facteur de l’unité suisse. Il y a quelques jours encore, il tenait la position. «24 heures» du 24 février titrait: «Alain Berset: le fédéralisme doit être protégé et non critiqué.»
Volonté de fronde
Et puis, il y a une semaine, nous avons vu émerger un troisième fédéralisme, un fédéralisme de rupture, exprimant frontalement la volonté de certains gouvernements cantonaux de ne pas se plier à une injonction fédérale. Bon, ce Sonderbund fut bref, ses acteurs n’ayant pas voulu, dans le cas d’une affaire d’importance limitée, prendre la responsabilité politique et morale d’un affrontement durable. Mais il est intéressant de noter que, s’ils s’étaient obstinés, la Confédération n’aurait pas eu les moyens de les contraindre. Le recours à l’armée? L’évoquer même est ridicule. On a parlé d’un blocage des subventions. Cela n’eût fait qu’aggraver le conflit.
Cette escarmouche fédéraliste a rafraîchi notre instruction civique. Elle a rappelé aux autorités fédérales – et à beaucoup d’autorités cantonales! – la portée première de l’article 3: les cantons sont et restent le pouvoir originel de la Confédération.
Olivier Delacrétaz analyse le «Sonderbund des terrasses» voulu par quelques cantons.
OpinionOlivier Delacrétaz
Publié aujourd’hui à 06h36