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Hockey sur glace: Guillaume Maillard: «Plein de messages où on me traitait de traître»

Hockey sur glaceGuillaume Maillard: «Plein de messages où on me traitait de traître»

Le plus Genevois des Vaudois est de retour aux Vernets après trois saisons au LHC, dont la dernière a été cauchemardesque. Il revient sur les émotions du printemps et affiche son appétit.

Guillaume Maillard, lors de la preparation physique en vue de la saison 2023-2024 du GSHC, le vendredi 26 mai 2023 au Stade de Genève.

Guillaume Maillard, lors de la preparation physique en vue de la saison 2023-2024 du GSHC, le vendredi 26 mai 2023 au Stade de Genève.

Bastien Gallay

Guillaume Maillard descend de son vélo à bout de souffle, complètement essoré, les tripes en vrac. «À la fin de chaque entraînement, j’ai envie de vomir, explique-t-il. C’est ça que je veux, en ce moment. Si je n’ai pas envie de vomir, c’est que je n’ai pas fait le job. Je fais le maximum, voire plus. Je ne suis pas là pour être en vacances, je suis là pour être le meilleur joueur que je n’ai jamais été.»

Le Lausannois de souche, qui a quitté «son» LHC après trois saisons difficiles pour retrouver ce printemps «son» GE Servette, champion de Suisse sans lui, revient aux Vernets avec les crocs. C’est au Stade de Genève, où il a repris la préparation physique avec les jeunes de l’équipe depuis deux semaines, que l’attaquant de 24 ans nous a livré vendredi passé son sentiment, après tant d’émotions contrastées.

Où en est la carcasse?

Avec le LHC, on a fini la saison le 4 mars. Donc j’ai passé un mois sans rien faire et puis je me suis remis à bosser de mon côté. Comme la saison de Genève a été longue (ndlr: jusqu’au 27 avril), quand ils l’ont finie, j’avais recommencé à m’entraîner tout seul. Eux n’ont pas eu beaucoup de vacances et moi, je me suis arrangé pour déménager à Genève pendant ce temps. Là, on reprend ensemble (ndlr: une partie de l’effectif a fait son retour la semaine passée, d’autres ont suivi cette semaine). Une préparation physique est de toute façon propre à chacun. Je suis peut-être un peu en avance, puisque les autres sortent de leurs vacances. Le but, c’est qu’on arrive tous au même stade à la fin et il me faudra peut-être plus de temps qu’eux pour être en forme. Pour eux, en ce moment, la vie est parfaite, en termes de moral, de physique, de confiance, tout, ils sont au top. Moi, je sors d’une situation complètement différente et je sais que pour intégrer l’équipe à part entière, je n’ai pas d’autre choix que de bosser fort, plus fort que les autres, pour «matcher» leur énergie et leur confiance. 

«J’étais triste de partir parce qu’en trois saisons, on s’attache. […] Comme j’ai rejoint Genève dans la foulée, ça faisait beaucoup d’émotions en peu de temps.»

Guillaume Maillard, attaquant de GE Servette

Mentalement, comment vivez-vous le fait de rejoindre le champion de Suisse après avoir vécu une si rude dernière saison à Lausanne?

Il n’y a pas de secret. Si on prend ce moment de ma vie et de la leur, maintenant, je suis peut-être celui qui rêve le plus d’une coupe. J’espère pouvoir donner cette énergie pour faire comprendre aux autres que ce qu’ils ont fait, on peut le refaire. Comme je connais la majeure partie de l’équipe, c’est plus facile en termes de relationnel, d’adaptation. Là, j’ai commencé la préparation avec les jeunes - c’est la première fois que je suis le plus vieux. Je pousse les autres à être plus forts, donner plus. Quand tu as réussi quelque chose dans ta vie professionnelle, tu as tendance à en faire moins. Mais avec tout ce que j’ai entendu dans l’entourage du club, avec le staff, j’imagine que tout sera fait pour que nous pensions différemment. L’objectif, ce n’est pas de se ramollir.

Guillaume Maillard entraîne Kelian Fiebiger et les autres jeunes servettiens dans son sillage. Et à la fin de chaque séance, il a envie de vomir.

Guillaume Maillard entraîne Kelian Fiebiger et les autres jeunes servettiens dans son sillage. Et à la fin de chaque séance, il a envie de vomir.

Bastien Gallay

Combien de kilos avez-vous soulevé ces deux dernières semaines?

Les kilos, j’ai tendance à en prendre quelques-uns quand la saison se termine, au moment où je me fais un peu plus plaisir. La première partie de ma préparation, c’est perdre la mauvaise graisse pour arriver à mon objectif: 92 kilos pour recommencer sur la glace début août. Pour répondre à la question, quand j’avais 20 ans, je m’amusais à soulever les charges les plus lourdes possibles. À Lausanne, on faisait beaucoup de musculation, j’ai pris vachement de largeur et d’épaisseur. Mais ce n’est pas forcément optimal pour moi, ni pour mon jeu. Cette année, je me concentre davantage sur l’explosivité, la rapidité, l’endurance. Donc je suis sur le cardio.

Dès le 7 juillet, après ce premier bloc de préparation et avant la reprise sur glace, les joueurs ont trois semaines plus libres. Allez-vous partir?

Je ne suis pas parti à la fin de la saison, parce qu’émotionnellement et contractuellement, ce n’était pas l’idéal. Je n’étais pas très bien. Je ne vais pas mentir: quitter Lausanne, c’était assez dur quand même, il me fallait un peu de temps. Donc je ne suis pas parti en vacances, je n’ai pas quitté la Suisse. Je me suis concentré sur moi. Là, sur 21 jours, tu es censé en faire une dizaine où tu t’entraînes. Mais tu peux très bien louer une maison dans le sud de la France pour faire ça. Je vais partir avec ma copine en Grèce, en Sardaigne ou je ne sais pas trop où. Je n’ai pas besoin de beaucoup pour être heureux.

«Je dois tout à Genève. Je veux leur montrer que je suis le même qu’avant, mais en plus fort.»

Guillaume Maillard, attaquant de GE Servette

Qu’est-ce qui était difficile, dans votre départ du LHC?

J’ai ma famille à Lausanne, des copains de longue date. Ça ne s’est pas très bien passé pour l’équipe, donc c’est toujours dur. On a fini de manière spéciale, avec toutes ces victoires et puis ces deux défaites qui nous privent des pré-play-off. On a eu beaucoup de hauts et de bas au niveau des émotions. J’étais simplement triste de partir parce qu’en trois saisons, on s’attache aux gens, aux joueurs, aux amis. C’est toujours difficile. Et comme j’ai rejoint Genève dans la foulée, ça faisait beaucoup d’émotions en peu de temps. Maintenant, je suis hyper motivé. J’ai adoré jouer à Genève et, quand j’y étais, je ne pensais jamais en partir. C’est là où tout a commencé, ce sont eux qui m’ont donné ma première chance, je leur dois tout. Je veux leur montrer que je suis le même qu’avant, mais en plus fort. 

Vous en êtes à deux aller-retours entre Lausanne et Genève. Comment le vivez-vous?

J’ai quitté Lausanne très jeune parce qu’à l’époque ou maintenant encore, je n’ai pas peur de le dire, ce club ne donne pas leur chance aux jeunes. J’ai fini mes années juniors à Genève, j’y ai gagné, ça m’a ancré dans le club, puis j’ai fait deux-trois belles années avec la première équipe, j’ai connu l’équipe nationale. J’ai connu toutes mes premières à Genève en fait, c’est là que je suis devenu mature. J’étais tellement attaché à la ville, aux joueurs, au staff, que je n’aurais jamais imaginé retourner à Lausanne. Et un jour, alors que j’arrive à l’entraînement, on me dit que je vais être échangé (ndlr: fin août 2020, dans un «package» avec Floran Douay et Tim Bozon, alors que Joël Vermin puis Tyler Moy effectuaient le chemin inverse). Au début, ça a été un grand choc, c’était bizarre. J’ai dû partir une semaine avec des amis, pour penser à autre chose, je n’étais pas bien du tout. C’est comme si on t’apprend du jour au lendemain que tu dois quitter tout ce que tu aimes. 

Guillaume Maillard (à gauche) devance Mathieu Vouillamoz et Christophe Cavalleri (caché). Giancarlo Chanton (devant à droite) complète le tableau, suivi de Kelian Fiebiger.

Guillaume Maillard (à gauche) devance Mathieu Vouillamoz et Christophe Cavalleri (caché). Giancarlo Chanton (devant à droite) complète le tableau, suivi de Kelian Fiebiger.

Bastien Gallay

En n’ayant pas le choix…

Quand un club essaie de se libérer de toi et que tu refuses, en étant jeune, ça donne toujours une mauvaise image pour la suite, des conflits. Ce n’est pas ce que je voulais. Les gens ne se rendent pas toujours compte qu’à 20 ans, on n’est pas tout vieux. Je me suis accroché et j’ai essayé de voir le positif. Je me suis concentré sur la famille, les amis, pour m’intégrer. J’ai passé trois ans assez mouvementés à Lausanne, avec une grosse blessure qui ne m’a pas aidé. Mais ça reste quand même trois super années. J’ai plein de bons souvenirs dans la tête, ça a été un honneur de jouer pour le club dans lequel mon père évoluait - il a été le capitaine de l’équipe. Mon frère y a été pro aussi, il y a une histoire entre ce club et mon nom, donc j’étais très fier d’y être. 

«Je n’avais pas à me priver de ça pour d’autres. Tant que moi je suis heureux, j’ai appris à ne plus trop les écouter.»

Guillaume Maillard, attaquant de GE Servette

Malgré le contexte agité…

J’ai l’impression que le problème, c’est que rien ne semble avoir évolué, en trois ans. Voilà, je pense que j’avais besoin d’un nouveau défi. C’était le meilleur moment pour revenir au meilleur endroit pour moi, à Genève. Le hockey est mon métier, ma passion. Mais j’ai aussi besoin d’avoir d’autres choses à côté, d’avoir d’autres plaisirs dans la vie. De ce point de vue-là, c’était Genève, où je connais la ville, les gens. Je ne me voyais pas aller ailleurs, on a tous envie d’aller dans la meilleure équipe. Je suis très fier d’être de retour, c’est un honneur.

Qu’en pensent les supporters du LHC?

Entre nous, joueurs, même si on veut toujours gagner un derby, ça reste assez tranquille. Mais il y a beaucoup de rivalité entre les deux clubs et certaines personnes ne comprennent pas que, dans une vie professionnelle de sportif, on doit aussi faire des choix. Quand on ne joue plus pour une équipe, on ne peut plus travailler et on n’a plus de salaire. J’ai eu l’opportunité de revenir à Genève pour continuer à travailler, je n’ai tourné le dos à personne, il n’y a pas de trahison.

Des gens l’ont-ils pensé?

Oui, j’ai reçu plein de messages qui me traitaient de traître. Moi, je réponds à tout le monde et j’ai été clair: je leur ai dit que j’aimais Lausanne mais que je devais continuer à vivre, et qu’il n’y avait pas de meilleur endroit pour moi que Genève. Je n’avais pas à me priver de ça pour d’autres. Tant que moi je suis heureux, j’ai appris à ne plus trop les écouter. Je passe à travers ça. 

Simon Meier a débuté sa carrière de journaliste sportif en 2000 au journal Le Temps avant d'en devenir le responsable de la rubrique. En 2013, il a rejoint la rédaction sportive du Matin et du Matin dimanche puis à intégré celle de Sport-Center pour les différents titres de Tamedia et 20 minutes.Plus d'infos

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