
Pierre Albouy
Avec la timide ouverture annoncée par le Conseil d’État et le retour du Jet d’eau, nous commençons à respirer un peu mieux, même si la situation reste assez oppressante. Alors positivons…
Un exemple? Samedi dernier, Doris a envie de s’envoyer des fleurs. De se faire plaisir. Parce qu’un logement sans fleurs, c’est un logement sans âme, et qu’elle a rudement besoin d’en sentir une, après une semaine difficile.
La dame se rend donc dans une grande surface et choisit un bouquet de lisianthus blancs et deux belles roses couleur saumon. Reste encore à passer à la caisse. Une étape qui s’éternise, les deux employées étant fort occupées. L’une crée un arrangement automnal pour une cliente exigeante, l’autre tamponne des feuilles…
Dans la file d’attente, Doris et une autre cliente se jettent un clin d’œil complice devant ce spectacle. Quand vient enfin le tour de passer à la caisse, l’autre femme s’avance et répond à la question de la fleuriste: «Oui, c’est pour moi, les fleurs!» Et notre septuagénaire ne peut s’empêcher de lui glisser: «Vous avez raison, il faut s’offrir des fleurs, en cette période maussade!»
La cliente acquiesce, puis, s’apercevant qu’elle a oublié un truc, retourne le chercher dans les rayons, remercie au passage l’aînée pour sa patience, et lâche soudain: «Donnez-moi vos fleurs, je souhaite vous les offrir!»
Elle insiste vraiment et Doris finit par accepter, très émue. La généreuse personne lui fait alors un grand sourire et quitte le magasin, le cœur léger.
En emballant le bouquet ainsi offert, les fleuristes diront que de toute leur carrière, elles n’ont jamais vu ça! Doris non plus, en plus de 70 années de vie.
À la sortie du magasin, elle revoit la dame affairée à charger ses fleurs sur sa moto et la remercie encore: le rayon de soleil ainsi lancé est d’autant plus lumineux pour elle que sa famille est en deuil.