EditorialStones, la preuve par le disque
On a beaucoup écrit, sans doute avec quelques raisons, combien l’amour du blues n’était égalé chez les Rolling Stones que par une seule passion: celle de l’argent. Comment le groupe anglais, si méchamment roulé par son premier éditeur qu’il reste aujourd’hui privé d’une grande partie des droits de son catalogue sixties, jura mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus. Pourquoi la formation d’économiste de Michael Philip Jagger a toujours concurrencé sa vocation de rock star et rendu maniaque son souci de rentabilité, au point que les Stones furent les premiers artistes d’envergure à se sucrer jusque sur la vente des sandwichs.
Car enfin, comment expliquer autrement que par une avidité économique sans égale l’endurance tout aussi phénoménale, historiquement inégalée, de ce trio de musiciens, Jagger, Richards et Wood, 235 ans cumulés et toujours en pleine activité? Tout juste freiné dans sa routine par une pandémie mondiale, le remplacement d’une valve cardiaque de son chanteur et la mort de son batteur? D’ailleurs, depuis leur dernier «vrai» album il y a 18 ans, ils se bornent à jouer leurs classiques, preuve qu’ils ne tournent que pour relever les compteurs. Non?
Non. On a beau chercher, l’annonce d’un nouvel album par les Rolling Stones en 2023 ne s’explique pas autrement que par l’envie de composer, de créer et de regarder devant soi, même à 80 ans. Justement parce qu’il serait bien plus simple, et beaucoup plus rentable, d’annoncer «simplement» une énième tournée – qui viendra sans doute. Mais voici, en attendant, douze nouvelles chansons taillées par le duo Jagger-Richards, soixante ans après sa première collaboration. Sont-elles bonnes? On ne le sait pas encore, et franchement on s’en fiche passablement. Car il n’est pas interdit de recevoir ce disque comme une heureuse hypothèse: qu’importe sa taille, il y a encore du plaisir derrière la machine.
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