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Chronique économique: L’histoire sans fin de la dette américaine

Chronique économiqueL’histoire sans fin de la dette américaine

 

Marian Stepczynski

Publié aujourd’hui à 07h06

Sans fin, ou presque. Certains la font même remonter à la naissance des États-Unis pour démontrer à quel point elle est inscrite dans les gènes d’une nation qui lui devrait sa puissance et sa prospérité, ce qui est sans doute excessif. On peut plus raisonnablement dater sa première envolée des années Reagan puis, après quelques parenthèses de forte croissance avec plutôt que sans inflation, situer sa véritable escalade à partir du tournant des années 2000 avant qu’elle n’atteigne, vers 2013, l’équivalent du PIB et devienne en quelque sorte ingérable.

Le pays n’est pas seul à avoir franchi ce seuil. La palme de l’endettement revient sans conteste au Japon, dont la dette publique totale dépasse 250% du PIB, soit deux fois le niveau de la dette américaine. Mais hormis l’Italie et la Grèce, aucun autre pays développé n’atteint pareil score. Et en chiffres absolus, l’ardoise est terrifiante: 31’800 milliards de dollars à l’heure actuelle selon la National Debt Clock, qui affiche sa progression en temps réel.

Pour brutale qu’elle apparaisse, la version américaine du frein à l’endettement, ce debt ceiling (introduit durant la Première Guerre mondiale) qui fixe le niveau maximum de l’emprunt auquel le gouvernement peut recourir pour financer son déficit, n’a jamais dépassé le stade de la frayeur collective. À chaque fois que la limite a failli être atteinte, voire qu’elle a conduit au blocage de certaines dépenses, un arrangement de dernière minute a pu être trouvé au Congrès. Il en ira probablement de même cette fois-ci après l’accord téléphonique trouvé dimanche avec le speaker républicain de la Chambre des représentants.

Quelques concessions de part et d’autre, qui ne touchent cependant rien de ce qui est tenu pour essentiel (la défense et l’Inflation Reduction Act notamment) permettront ainsi de reculer de deux ans l’application de la mesure et pourquoi pas, si l’économie se porte bien, de ramener ce fameux ratio d’endettement dans les clous. La dette, elle, continuera d’augmenter et d’alimenter ce que de nombreux économistes continueront de considérer comme le carburant essentiel de la croissance.

«La palme de l’endettement revient sans conteste au Japon, dont la dette publique totale dépasse 250% du PIB.»

C’est là, toutefois, que les avis commencent à diverger. Alors qu’hier encore l’ancien chef économiste du FMI et quelques autres post-keynésiens se disaient persuadés des effets positifs du multiplicateur sur la dépense globale, a fortiori en présence de taux d’intérêt si bas qu’ils rendent indolore le deficit spending, le réveil inopiné de l’inflation a instillé le doute dans les esprits. Il a même, avec la persistance d’un renchérissement en voie d’induration, forcé les banques centrales à serrer la vis bien davantage que prévu, dans un contexte certes inattendu de guerre et d’urgence climatique, mais aussi de montée de l’endettement mondial qui préoccupe, c’est le moins qu’on puisse dire, les dirigeants actuels du Fonds.

On pourrait d’ailleurs, en prenant un peu de recul, observer que les pays les plus endettés ne sont pas (ou plus toujours) les meilleurs en termes de croissance. Le Japon, justement, a beau injecter des billions de yens dans son économie, son taux de croissance n’a cessé de ralentir depuis les années 60, pour devenir quasi nul depuis cinq ans. L’Italie, de même, est le pays de l’Union européenne à la fois le plus endetté et le moins bien servi dans la durée en termes de croissance. Coïncidence? Ces deux pays sont identiquement frappés de déclin démographique, pour cause de vieillissement et d’immigration insuffisante. Ceci explique-t-il cela? Allez savoir.

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